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« Brèves douanières » au 30 mai 2023

Transport - Douane
31/05/2023
Des informations, des jurisprudences et des textes douaniers « en bref » non traités par ailleurs « dans ces colonnes » sur les 3 dernières semaines.
« Bilan 2022 » de la Douane : publié !
 
Les résultats 2022 de la Douane ont été diffusés le 24 mai 2023. Comme à l’accoutumée, une avalanche de chiffres souvent en hausse s’agissant des saisies – stupéfiants, tabacs et marchandises contrefaisantes/de contrefaçon (+25.86 %) entre autres –, mais aussi un rappel des actions et innovations de cette administration à destination notamment des entreprises pour faciliter/simplifier les opérations (DGDDI, Bilan annuel de la douane 2022). Ces résultats sont qualifiés d’exceptionnels par Isabelle Braun-Lemaire, la Directrice générale des douanes, lors de la journée d’étude de la DNRED du 25 mai (voir ci-après).
 
Contrôles douaniers : transfert généralisé de compétence pour des produits alimentaires
 
Un avis au JO informe les opérateurs qu'à compter du 1er juin 2023 un transfert de compétences est opéré entre la DGCCRF et la DGDDI s’agissant de contrôle à l’importation de produits alimentaires. Il indique aussi aux importateurs, en fonction des marchandises concernées, la procédure à suivre quant aux saisies à réaliser et aux documents à produire/télécharger, outre bien sûr les coordonnées des services compétents (Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Avis aux opérateurs concernant la généralisation du transfert à la DGDDI des contrôles à l'importation de la qualité sanitaire et/ou biologique des denrées alimentaires d'origine non animale, de la conformité aux normes de commercialisation de fruits et légumes et de la conformité de matériaux au contact des denrées alimentaires, NOR : ECOD2313661V, JO 25 mai 2023).
 
Classement : termes sans définition (rappel et exemple)
 
Selon la jurisprudence constante de la CJUE, « la signification et la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doivent être déterminées conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie ». C’est ce que rappelle à nouveau cette cour à propos du classement d’une tuyauterie et, s’agissant du sens habituel en langage courant ici du terme « manchons », la CJUE se réfère à « plusieurs dictionnaires et autres sources » (sans plus de précision pour ces dernières). Quant au contexte dans lequel cette notion de « manchons » est utilisée, ce juge relève notamment que de nombreux termes désignant des accessoires de tuyauterie dans le SH, la NC, les NESH et les NENC « semblent être inspirés, dans plusieurs versions linguistiques, de termes correspondant à certaines formes telles que des parties du corps, des lettres de l’alphabet ou des vêtements, et donnent par conséquent une indication quant à la forme du type d’accessoire concerné » (manchon pour une manche, coude ou genou pour un élément courbé, etc.). Enfin, la CJUE ajoute que des RTC (a priori non délivrés à l’opérateur concerné) auxquels les parties au principal, le gouvernement danois et la Commission ont fait référence, respectivement, dans la procédure au principal et dans leurs observations écrites dans la présente procédure, « paraissent confirmer, sous réserve de quelques exceptions, ladite appréciation » (point 47) (CJUE, 25 mai 2023, n° C-368/22, Skatteministeriet c/ Danish Fluid System Technologies A/S, points 40 et s. et point 74).
 
Sur ce sujet, voir 320-5 Commentaire de la règle n° 1 dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Relation UE-Inde : premier conseil sur le commerce et la technologie (TTC)
 
Le 16 mai 2023, la première réunion ministérielle du « Conseil du commerce et des technologies Inde-UE » (CTT) s’est tenue à Bruxelles. Élément clé pour approfondir le partenariat stratégique entre elles, ce conseil doit accroître le commerce bilatéral UE-Inde (en 2022, 120 milliards d'euros de biens ont été échangés ainsi que 17 milliards d'euros de produits et services numériques). L’un de ses trois groupes de travail est dédié au commerce notamment. Et dans ce domaine, le communiqué de presse confirme à nouveau que les deux partenaires sont d’accord pour « approfondir leurs travaux communs sur les chaînes de valeur résilientes (...), s'efforcer de résoudre les problèmes bilatéraux d'accès aux marchés ». Ce document indique encore que « les travaux menés dans le cadre du TTC se poursuivront parallèlement aux négociations en cours en vue d'accords globaux et ambitieux sur le commerce (...) » (Commission européenne, Communiqué de presse, 16 mai 2023). Sur cette confirmation, voir « Un nouveau Conseil du commerce et de la technologie (TTC) entre l’Inde et l’UE » dans « Brèves douanières » au 16 février 2023, Actualités du droit, 17 févr. 2023.
 
Sur ce sujet, voir 340-100 Accords en attente d'application ou en discussion : les futurs accords dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Liste CITES : modification
 
Le règlement 2023/966 actualise la liste des biens visés par le règlement n° 338/97 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce. Son annexe, qui reprend les espèces figurant aux annexes de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et les espèces dont l’état de conservation nécessite que les échanges en provenance, à destination ou à l’intérieur de l’Union soient réglementés ou surveillés, est en effet modifiée par ce règlement 2023/966 qui entre en vigueur le 20 mai 2023 (Règl. (UE) 2023/966, 15 mai 2023, JOUE 17 mai, n° L 133).
 
Liste BDU : modification
 
Publié au JOUE du 25 mai 2023, le règlement 2023/996 du 23 février 2023 modifie au 26 mai 2023 la liste des BDU de l’annexe I du règlement 2021/821 « instituant un régime de l’Union de contrôle des exportations, du courtage, de l’assistance technique, du transit et des transferts en ce qui concerne les biens à double usage » (Règl. (UE) 2023/996, 23 févr. 2023, JOUE 25 mai, n° L 138).
 
Sur ce sujet, voir 430-4 Listes des BDU – Principe dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Preuve de l’exportation (CGI, ann. III, art. 74) : pas pour la taxe sur les boissons sucrées
 
La cour d’appel de Paris écarte l’application de l’article 74 de l’annexe III du CGI, relatif aux preuves à l’exportation pour le bénéfice de l’exonération de TVA, qu’un opérateur invoque pour prouver l’exportation de boissons sucrées ouvrant droit à l’exonération de taxe sur ces boissons des articles 1613 ter et quater du CGI. Pour ce juge, l’article 74 est « exclusivement applicable à la TVA » et ses dispositions « ne sont pas transposables au présent litige afférent aux contributions sur les boissons et préparations liquides pour boissons sucrées et édulcorées » (CA Paris, 22 mai 2023, n° 21/15864, Pepsico France c/ Direction nationale du Renseignement et des enquêtes douanières (D.N.R.E.D)).
 
Sur ce sujet, voir 615-67 Nature et portée de l'acceptation des preuves alternatives fiscales à partir du 8 mars 2010 dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Droit de visite (article 60) : « temps strictement nécessaire » à la contrainte sur les personnes
 
Au sens de l’article 60 du Code des douanes, la contrainte exercée par les douaniers n'a pas excédé le « temps strictement nécessaire » aux opérations s’agissant d’une personne contrôlée à 21h41 pour être placée en rétention à 22h20, après la fouille de deux véhicules entre lesquels un lien était fait qui a permis la découverte d'une importante quantité de résine de cannabis (Cass. crim., 23 mai 2023, nº 22-84.372).
 
Sur ce sujet, voir 1010-20 Droit de visite des personnes (art. 60) – Précisions du juge dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
PV douanier annulé par la Douane : effets
 
Lors de la procédure de contrôle d’un entrepositaire agréé, la Douane annule son procès-verbal d’audition n° 4 (faute de notification des droits au représentant de la société) et en établit par la suite un autre (n° 6) pour une nouvelle audition au cours de laquelle elle respecte l’obligation précitée. Pour le juge, l’opérateur qui demande l’annulation du PV n° 6 est mal fondé à soutenir que cette nouvelle audition caractérise une atteinte aux droits de la défense au motif de la similarité des questions posées dans les PV nº 4 et n° 6 : « En effet, l'annulation du procès-verbal nº 4 n'entraînait nullement la nullité des procès-verbaux d'intervention nº 1 à 3, dans lesquels il a été procédé à des constatations sur le site de [Localité 5] qui constituent le fondement des interrogations des agents des douanes. En outre, le procès-verbal d'audition nº 4 ayant été annulé, aucune partie ne peut se prévaloir des questions et des réponses qui y sont mentionnées, fût-ce pour les comparer avec celles figurant dans l'audition résultant du procès-verbal nº 6. Enfin, la nouvelle audition réalisée après une audition annulée ne nuisait nullement aux droits de [Ndlr : l’opérateur] dont le représentant avait été informé qu'il pouvait quitter les lieux à tout moment et qu'il pouvait faire le choix de ne pas répondre aux questions qui lui seraient posées. Le procès-verbal d'audition nº 6 ne procède donc nullement de l'acte vicié [Ndlr : le PV n° 4] » et n’est donc pas nul, pas plus que l’AMR qui l’a suivi (CA Orléans, 16 mai 2023, nº 20/01118, Direction régionale des douanes et droits indirects du Centre c/ VWR International).
 
Sur ce sujet, voir 1010-94 Procès-verbal douanier – Effet de sa nullité dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
AMR douanier et « éléments de liquidation » : contrôle du juge sur la possibilité pour l’opérateur de vérifier précisément le calcul de l’administration
 
À propos de droit de passeport des navires, un AMR de la Douane est annulé par le juge au motif que ni cet avis, ni le procès-verbal de constat d’infraction auquel il renvoie, ne contiennent d’éléments de liquidation suffisants pour permettre à l’opérateur de vérifier avec une précision suffisante le calcul de l’administration. En l’espèce, si des annexes accompagnent l’AMR pour développer les calculs, elles sont « lacunaires » selon le juge qui retient que tant cet AMR que ce PV « ne font davantage état des modalités précises de calcul ayant déterminé le droit de passeport réclamé au titre des années 2008 à 2010 pour chaque navire, la formule mathématique applicable au calcul de la puissance administrative n'étant pas indiquée, ni clairement appliquée à l'espèce, ni les éléments retenus par l'administration pour chaque navire qui sont nécessaires à ce calcul de la puissance administrative, de sorte qu'il n'est pas possible pour la banque de vérifier comment l'administration a procédé à son calcul ; (...) seul le montant global du droit de passeport pour chaque navire année après année est mentionné, sans une ventilation explicite ». Par conséquent, l’AMR et le PV « ne contiennent pas les éléments précis de la liquidation de la créance » au sens de l’article 345 du Code des douanes et l’opérateur « n'étant pas en mesure de vérifier la réalité de la créance dont le montant lui est réclamé par l'administration des douanes », l’AMR doit être annulé (CA Aix-en-Provence, 16 mai 2023, nº 19/05340, Administration des douanes et droits indirects et a. c/ Banque Populaire Méditerranée venant aux droits de la Banque Populaire Côte d’azur).
 
Sur ce sujet, voir 1020-54 Contenu de l'AMR douanier – Éléments de liquidation connus par renvoi dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Criminalité organisée et Douane : quelques (r)enseignements de la journée d’étude organisée par la DNRED
 
Le 25 mai 2025, la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) organisait à Bercy une journée d’étude sur la criminalité organisée « au prisme de la Douane ». Des constats et conseils des opérateurs et une réflexion sur la qualification juridique du sujet.
 
Virage de l’an 2000. – Le crime organisé s’est introduit/lancé dans la logistique dans les années 2000, selon Jean-Jacques Richard, directeur de la sécurité chez Geodis. C’est selon lui à cette époque, lorsque les banques ont commencé à conserver moins d’espèce et les transports de fonds à se « blinder » contre les attaques que la criminalité a dû revoir son business model pour se lancer « à l’assaut » des biens et donc des transports et entrepôts, afin de répondre à une demande. Si 2022 a été une bonne année au regard de la faiblesse des chiffres des vols, le spécialiste de la sécurité s’attend à ce que 2023 le soit moins (à noter que la première catégorie de marchandises volées est constituée des produits alimentaires).
 
Toute la chaine logistique dans le viseur. – Louis Jonquière, président de l’UNIM (Union nationale des industries de la manutention dans les ports français), rappelle, s’agissant des ports, que si les contrôles douaniers sont surtout documentaires, ils peuvent aussi prendre parfois la forme de contrôles physiques et donc nécessiter l’ouverture de conteneurs, ce qui implique la mise à disposition d’un espace et la sortie du conteneur (entrainant aussi la mise à l’écart des autres), toutes deux génératrices de ralentissement et de surcoût. Ces derniers s’ajoutent au prix préexistant de la sécurisation des structures et accès (système de badge, traçabilité des engins de manutention, des conteneurs, etc.). Les ports ne sont bien sûr pas les seuls impactés : tous les modes de transport sont menacés, ce que rappelle Olivier Thouard de TLF/TLF overseas, soulignant en effet que le vecteur aérien et les aéroports ne sont pas épargnés, comme le transport par route : les marchandises sont « en risque » à chaque maillon de la chaine logistique.
 
Quelques parades avec le « renseignement » et la technologie. – Pour Olivier Thouard, s’agissant du transport routier notamment, il faut limiter les zones de ralentissement/d’arrêt des véhicules (consécutifs par exemple à des manifestations, comme la France a pu en connaître récemment). Il faut aussi collecter les informations sur les zones à risque, par exemple grâce à des partages d’expérience ou à des conventions avec les services de l’État comme la gendarmerie (qui peut signaler un axe devenu à risque) ou les douanes (qui, par exemple via la la Mission activité économique et entreprise (MA2E) de la DGDDI, contribuent à informer de tous sujets, réglementaires ou autre). Bien sûr, des systèmes de tracking des véhicules peuvent aussi contribuer à éviter les vols. La parade technologique est également avancée par Cédric Rosemont, PDG de Traxens, avec les smart contenairs qu’il propose au vecteur maritime depuis 2012 : bien sûr géo-localisables, ces conteneurs intelligents sont capables de détecter différents incidents comme les ouvertures de porte (permettant tant le vol que l’insertion de marchandises illégales), les dépassements de température, les chocs, etc., et surtout de les signaler en temps réel.
 
Pour tous les intervenants de la chaine logistique qui s’expriment, un leitmotiv : la collaboration avec les autorités, dont la Douane, est indispensable pour contrecarrer ou « ralentir » (sic !) les vols.
 
Criminalité organisée inqualifiable ? – Pour l’économiste et criminologue Clotilde Champeyrache (CNAM), la criminalité organisée est mal définie juridiquement et n’apparait pas dans notre code pénal. Seule la Convention de Palerme (NU) de 2000 en donne une définition, mais celle-ci est plutôt vague. Selon ce texte, « l’expression "groupe criminel organisé" désigne un groupe structuré de trois personnes ou plus depuis un certain temps et agissant de concert dans le but de commettre une ou plusieurs infractions graves ou infractions établie conformément à la présente Convention, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ». Et l’expression « groupe structuré » désigne un « groupe qui ne s’est pas constitué au hasard pour commettre immédiatement une infraction et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée ». En revanche, seule l’Italie donne une définition juridique de la criminalité organisée, que valideraient selon nous les journalistes Mario Puzzo et Roberto Saviano, respectivement auteurs du « Parrain » et de « Gomorra ». L’article 416 bis du code pénal italien incrimine en effet le « délit d’association maffieuse » comme suit : « l’association est de type maffieux quand ceux qui en font partie se servent de la force d’intimidation du lien associatif et de la condition d’assujettissement et d’ormeta qui en dérive pour commettre des délits, pour acquérir de façon directe ou indirecte la gestion ou du moins le contrôle sur des activités économiques, des concessions, des autorisations, adjudications et services publics ou pour réaliser des profits ou des avantages injustes pour soi ou pour autrui, ou encore dans le but d’empêcher ou de gêner le libre exercice du vote ou de procurer des voix à soi ou à d’autres à l’occasion de consultations électorales ».
 
Source : DNRED, Journée d’étude « Économie parallèle et criminalité organisée au prisme de la Douane », Paris (Ministère des finances), 25 mai 2023
 
Source : Actualités du droit